passion-3111247_1920.jpg
 

Pâques la nuit

Une année de pandémie, que nous en reste-t-il? Qu’est-ce que cela nous a laissé? Pas dans le sens de ce qu’est son héritage, mais dans le sens même de ce qui demeure, de ce qui n’est pas perdu?

Il y a un an, nous étions presque, dans une certaine mesure, reconnaissants à l’urgence sanitaire de nous avoir obligés à nous arrêter et à redécouvrir des valeurs communes à toute l’humanité. Alors qu’aujourd’hui (comme l’a également souligné le pape François) nous sommes fatigués et ne trouvons plus l’énergie de nous relever.

Et que vient faire Pâques dans cette situation d’impasse, d’obscurité, d’impuissance? Quel sens cela a-t-il d’exalter la Lumière, de chanter la victoire de la Vie sur la mort, de l’espoir sur le découragement, si nous sommes poussés à aller dans le sens contraire?

En effet, toute célébration aujourd’hui pourrait sembler une simple tradition sans rapport avec la réalité historique du moment présent.

Si le procès du Christ avait lieu maintenant, je crois qu’il ne se terminerait pas par la mort d’un innocent. Les règles de distanciation auraient-elles empêché la foule de se presser et de réclamer, à cor et à cri, la condamnation de Jésus? Et probablement, le craintif Pilate ne se serait pas laissé influencer par la foule... Il aurait maintenu sa décision première, reconnaissant l’innocence du fils de Marie et Joseph.

Pourtant, Pâques arrive de façon ponctuelle parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une célébration, d’une commémoration, du souvenir d’un événement décrit par les évangélistes qui s’est déroulé il y a plus de 2000 ans... 

Pâques, c’est avant tout revivre, en expérimentant sur nous-mêmes et en nous-mêmes, l’effet de l’amour, du vrai amour qui peut tout vaincre. Également, effet sur la Lumière qui, si on ne la laisse pas s’éteindre, peut dissiper les ténèbres. Ainsi, chaque homme ou chaque femme peut contribuer à rendre le monde différent et donc à le sauver par n’importe quel geste d’altruisme qui le force à sortir de son monde intérieur.

Mais alors, comment et quand commence ce processus de résurrection, de renaissance? 

Il remonte à loin. Il trouve son origine en pleine nuit, dans l’obscurité totale, au moment de l’impuissance absolue, de l’espoir considéré comme absurde. Et pourtant, il s’agit d’un processus qui, malgré tout, une fois lancé, se poursuit obstinément jusqu’au cri qui a bouleversé la création à jamais: « le tombeau est vide »

C’est donc dans le noir, dans l’obscurité totale, dans la nuit que tout se joue. Et quand apparaissent les premières lueurs, quand l’espoir se renforce et que les ténèbres commencent à battre inexorablement en retraite, c’est alors que Pâques a déjà gagné sa bataille.

Il en est ainsi pour nous: si nous voulons revoir le Soleil briller sur nos vies, nous ne pouvons pas attendre les premières lueurs de l’aube, la route qui va en pente descendante, les certitudes qui emplissent nos pensées. Nous devons faire le saut dans le vide et commencer le processus de régénération alors qu’il fait encore sombre, alors que nous n’avons pas de réponses et que le bon sens nous conseille de « mettre tout sur arrêt ». Parce que « Pâques, notre résurrection, commence la nuit ou ne commence jamais ».

Le souhait réciproque que je formule donc, pour tous, est que nous puissions apprendre à considérer chaque situation qui nous semble négative, comme un bon moment pour commencer à travailler immédiatement sur nous-mêmes, afin que notre vie (et peut-être aussi celle des autres) puisse être meilleure!

A.P., Montréal - 15 avril 2021